Le Réseau des études maghrébines (REM) organise l’atelier doctoral Des musées (post)coloniaux en Méditerranée? Muséographies, reconfigurations politiques et fabrique des identités, du 25 au 28 novembre 2024 à Casa de Velázquez, Madrid.
Cet atelier est organisé par: REM, École des hautes études hispaniques et ibériques (Casa de Velázquez, Madrid), Institut Jacques-Berque, Rabat, IRMC-Tunis et École française de Rome.
Argumentaire
« Un musée est une institution permanente, à but non-lucratif et au service de la société, qui se consacre à la recherche, la collecte, la conservation, l’interprétation et l’exposition du patrimoine matériel et immatériel. Ouvert au public, accessible et inclusif, il encourage la diversité et la durabilité. Les musées opèrent et communiquent de manière éthique et professionnelle, avec la participation de diverses communautés. Ils offrent à leurs publics des expériences variées d’éducation, de divertissement, de réflexion et de partage de connaissances ».
Telle est la nouvelle définition internationale des musées adoptée en 2022 à Prague par l’Assemblée Générale de l’ICOM, l’organisation internationale qui régule le champ des politiques muséales.
Les études critiques en sciences humaines et sociales sur les musées et leur histoire ont insisté sur le rôle que ces institutions jouent dans la fabrique de l’identité nationale, en décrivant d’une part le musée comme une technologie de pouvoir (institution de reproduction du goût des élites et de la domination culturelle), et en démontrant d’autre part la mondialisation d’une conception occidentale de la culture, avec la circulation des classifications scientifiques ou des catégories de « patrimoine », « art », ou « collection ». En Méditerranée, les rapports de domination politiques et économiques entre les pays ayant mené la colonisation et ceux qui s’en sont émancipés, dessinent un paysage singulier de coopération et de résistance, de coordination et d’appropriation, qui rappelle d’autres contextes africains ou américains.
En prenant en compte une série de transformations que les musées ont connues ces dernières décennies (et dont la nouvelle définition de l’ICOM est un signe frappant), cet atelier vise à réfléchir sur les modes de gestion des musées et sur les pratiques de production des savoirs en situation coloniale et postcoloniale dans les sociétés méditerranéennes. Il souhaite ouvrir le débat sur ce que voudrait dire aujourd’hui le mot d’ordre « décoloniser le musée ». Comment la dimension postcoloniale bouleverse-t-elle les musées au Maghreb, en Europe du sud et au Moyen-Orient ? Quelles seraient les résistances au changement des pouvoirs en place et des organismes culturels ? Comment se négocient les récits du passé à travers les demandes de restitutions des biens spoliés ou l’enrichissement des collections héritées du passé ? Existe-t-il un grand partage entre musées du nord et musées du sud ou assiste-t-on à des circulations inattendues ? Quel est l’impact des grandes expositions programmatiques ou des négociations spectaculaires de diplomatie culturelle ? De l’autre côté de l’échelle, quelles sont les initiatives, aussi petites soient-elles, qui présentent des situations d’inclusion sociale dans les musées ?
La perspective interdisciplinaire de l’atelier doctoral, convoquant l’histoire, la géographie, l’anthropologie, la muséologie, l’archéologie, la science politique, l’art, etc., permettra de décloisonner des langages et des approches sur le monde muséal et ses reconfigurations spatiales, matérielles, symboliques et sociales à différentes échelles temporelles. En effet, il n’est pas toujours question d’expositions évènements ou de grandes négociations diplomatiques, les changements muséaux peuvent également être menés au quotidien, derrière la scène, par des gestes, des matières et des sensibilités en mutation qui accompagnent les objets culturels et leurs institutions de conservation dans leur devenir.