AXE I : L’Histoire du Maghreb (Algérie, Tunisie, Libye), XIXe-XXIe siècles

Responsable de l’axe: Augustin Jomier

L’histoire du Maghreb et des trois pays de la zone de compétence de l’IRMC, entre le XIXe et le XXIe, reste encore largement à écrire, notamment en ce qui concerne les dynamiques intermaghrébines et avec le reste du monde arabe. Ces recherches relèvent à la fois d’une nécessité scientifique et d’un enjeu de société puisque l’Histoire continue d’agir par les structures juridiques et politiques mises en place. Ainsi, les usages politiques du passé doivent continuer d’être explorés, et leurs effets mis au jour. En effet, les figures du passé plus ou moins lointain, comme Bourguiba ou Hannibal, sont régulièrement remobilisées et il est du ressort de l’Histoire de démêler les fils des histoires. De la même manière, la période ottomane est aujourd’hui réactivée à travers la région, glorifiant le passé précolonial, ce qui a pour effet de renforcer un tropisme en direction de la Turquie, également adossé à un soft power turc grandissant (voir par exemple les musalsalât turc doublés en tunisien).

L’étude de l’histoire du Maghreb est une thématique forte et ancienne de l’IRMC, qu’il convient de développer, entre autres, pour la période postindépendance. Si les travaux sur la période coloniale sont relativement nombreux pour ce qui concerne l’Algérie, il en va autrement pour la Tunisie et la Libye. De plus, alors que les indépendances politiques ont eu lieu il y a plus d’un demi-siècle, force est de constater que les travaux qui portent sur cette période sont plus rares à un moment où des mémoires concurrentes émergent à la faveur d’un processus de démocratisation. Certains travaux phares conduits au sein de l’IRMC permettent de rééquilibrer ce déficit.

Cet axe recouvre également les travaux ayant trait au patrimoine, à l’urbanisme et à l’architecture, qui restent des points forts de la recherche à l’IRMC comme en Tunisie et, dans une moindre mesure, en Algérie et qu’il convient d’accompagner à l’échelle de tout le Maghreb. Ces thématiques permettent, pour les trois pays, d’aborder la question sensible de l’héritage colonial et de son appropriation à l’échelle nationale et locale. La nouvelle génération d’urbanistes en Algérie et en Tunisie permet de poser un regard renouvelé sur les périodisations et les enjeux qui leur sont liés.

Trois sous-axes programmatiques structurent l’axe 1 :

  • Histoire coloniale, histoire post-coloniale
  • L’historiographie maghrébine depuis les indépendances
  • Politiques patrimoniales et réinvestissements symboliques

AXE II : Sociétés maghrébines contemporaines en mouvement

Responsable de l’axe: Camille Cassarini

Cet axe se trouve au cœur de l’environnement même de l’IRMC, national et régional, ainsi que du paysage académique. Les contours de cette thématique sont appelés à évoluer selon le profil des chercheurs qui la composeront.

Les sociétés maghrébines connaissent, depuis les années 1970, de profondes mutations qui se traduisent par des évolutions dans plusieurs domaines tels que le fait religieux, les migrations, les questions liées aux libertés individuelles, à la santé, à l’environnement, etc. L’approche est transnationale, étant donné que les problématiques sont comparables à l’échelle du l’ensemble du Maghreb. Les pays du Maghreb ont connu des évolutions proches en terme d’alphabétisation, de baisse de la mortalité infantile, d’augmentation très inégale du niveau de vie, de développement de la société de consommation, de balbutiements d’un pluralisme religieux, de revendications de libertés individuelles, qui sont autant de transformations nécessitant des analyses pluridisciplinaires en sciences humaines et sociales.

Les pays de la région sont également confrontés à des changements profonds dans leurs rapports à l’Autre, en partie liés à l’augmentation des flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne depuis les années 2000, et à l’installation d’une partie d’entre eux au Maghreb. Cette réalité désormais bien visible au sein des sociétés maghrébines, implique des recompositions majeures. Les recherches conduites au sein de l’institut, en complémentarité avec le CJB, visent à analyser les transformations en terme de marché de l’habitat, de l’emploi, de modifications juridiques. De plus, l’IRMC conduit un certain nombre d’activités de formation en direction de l’Afrique de l’Ouest.

Enfin, le Maghreb, en tant que région méditerranéenne, reste bien entendu connecté à l’Europe. Un certain nombre de questions communes, notamment bio-ethiques, environnementales ou d’économie morale doivent impérativement être traitées en regard des travaux conduits sur la rive nord de la Méditerranée, déconstruisant la frontière illusoire d’un « nous ou eux ».

En effet, microparticules de plastique dans les mers et pollution du littoral, injustices environnementales et effets sur la santé engendrés par les activités industrielles, pollutions atmosphériques découlant d’une économie fondée sur les hydrocarbures, centralité des emballages jetables dans le design industriel et les modes de consommation : comme toutes les régions de la planète, le Maghreb est aujourd’hui un espace depuis lequel des effets écologiques se propagent et sur lequel ils se répercutent, de manière visible et invisible. Les recherches menées à l’IRMC sur ces thématiques permettent d’appréhender les questions de l’environnement et les dimensions économiques, sociales et politiques spécifiques dans lesquelles elles sont enchâssées. Les travaux sur le changement climatique et la crise écologique sont bien engagés dans des structures dédiées aux sciences dures. L’apport spécifique de l’IRMC est de contribuer à un champ émergeant, la sociologie de l’environnement, qui vise à mettre en lien les politiques agricoles et industrielles avec les effets sociaux des dégradations inhérentes. 

Enfin, la santé constitue aussi un enjeu majeur et un des objets d’analyses de l’IRMC, dans ses liens aux questions de migration et de crise écologique. Au-delà de la dimension médicale, les sciences sociales apportent des regards multiples sur les modes d’appréhension des pathologies et l’expérience de la maladie. Les politiques de santé et l’accès aux soins compliqué par la privatisation croissante des services donne lieu à de nombreux aménagements, matériels et symboliques, qu’il convient d’étudier.

Quatre sous-axes programmatiques structurent l’axe 2 :

  • Circulations : mobilités et immobilités, migrations (intra-maghrébine, Maghreb-Afrique subsaharienne et en Méditerranée)
  • Religions : monothéismes, minorités religieuses, conversions, radicalisation
  • Genre : féminismes, masculinités, revendications LGBT
  • Environnement, santé et sciences sociales

AXE III : Gouvernance et politiques

Responsable de l’axe: Hend Ben Othman

Les sciences politiques ont déployé leurs recherches depuis les débuts de l’institut, étant donné la discipline du fondateur, Michel Camau. Depuis 2011 et la révolution tunisienne, ces recherches ont connu un nouvel élan, étant donné que la question de la restauration politique, et de la demande de dignité des peuples est au centre des demandes sociales. Les chercheurs de l’institut portent un regard attentif aux mouvements sociaux et aux articulations avec les partis politiques en Algérie et en Tunisie d’une part, et en Libye d’autre part.

Un pan de recherche parallèle est celui de la réforme des universités, du développement du secteur privé de l’éducation, et des mouvements estudiantins, ce qui met en regard la question des diplômés chômeurs, du marché du travail et celle de la migration clandestine (harraga). 

L’entrée par la sociologie politique demeure une entrée féconde car elle échange avec les autres disciplines et méthodes développées en SHS.  Elle permet de déceler le politique dans des segments qui sortent de l’approche institutionnelle classique. Les études doivent s’inscrire dans une perspective multiscalaire afin de mieux saisir toutes les interrelations à l’œuvre : du local au global, de la municipalité au parlement, du pays à la région. Mobilisations sociales, processus électoral, jeux des acteurs, contestations multiformes, etc., sont autant d’entrées possibles du politique à privilégier, sans oublier le rôle des bailleurs internationaux, des partis politiques, des syndicats, des corps institués, etc., pour parvenir à une analyse la plus fine possible d’un politique en pleine recomposition.

Trois sous-axes programmatiques structurent l’axe 3 :

  • Politiques publiques : décentralisation et développement local
  • Mobilisations : justice transitionnelle, citoyenneté, mobilisations sociales
  • Justice sociale et libertés individuelles

AXE IV : Archéologie et histoire médiévale

Le 4ème axe de recherche portant sur l’archéologie et l’histoire médiévale, créé en avril 2022, permettra de coordonner les études sur le Maghreb médiéval et antique, en histoire et en archéologie. L’objectif pour l’IRMC est de pouvoir progressivement jouer un rôle pilote dans le montage de projets ambitieux, en créant des synergies entre des équipes d’archéologues parfois dispersés au sein de la région Algérie-Libye-Tunisie. Son point de départ, le projet FSPI avec le SCAC de Tunis, Aix-Marseille Université (AMU) et l’Institut National du Patrimoine (INP), Hayya Bina Thyna, permettra de le concrétiser.

Cette nouvelle orientation recèle un haut potentiel en termes de recherche, de coopération privilégiée avec le pays hôte et à l’échelle internationale, mais aussi de valorisation. Les archéologues et historiens travaillant dans les institutions françaises sur des périodes anciennes, entretiennent des relations bilatérales avec des chercheurs locaux et leurs universités. L’IRMC constitue le lieu de rencontre de chercheurs français sur la région et la période, mais également un lieu de rencontre avec les chercheurs et institutions des trois pays du Maghreb sur lesquels l’institut a compétence.

L’IRMC conserve la lettre « C » de son acronyme, car l’orientation principale demeure le contemporain. Développer des recherches en archéologie et réfléchir à ses enjeux contemporains en termes identitaires, idéologiques, politiques et économiques, sont au cœur des compétences de l’IRMC. Les contemporanéistes, fussent-ils historiens, sociologues, anthropologues ou politistes, sont en effet outillés pour s’emparer de questions qui touchent aux constructions nationales, aux politiques scientifiques et mémorielles, à la coopération Nord-Sud, au développement du tourisme, a fortiori dans un contexte postcolonial. L’IRMC, avec l’appui du SCAC, peut jouer un rôle pilote dans le montage de projets ambitieux, créant des synergies entre des équipes d’archéologues dans la région. Des collaborations entre archéologues et contemporanéistes sont également envisagées pour rendre les corpus documentaires accessibles, par l’arrimage aux progrès des humanités numériques dans ce domaine.