Authoritarian Environmentalism in Tunisia, and its Afterlives – Intervention de Jamie Furniss au Middle East Centre, Oxford

Jamie Furniss (IRMC – Département d’anthropologie sociale, Université d’Edimbourg) est intervenu lors d’un webinaire en direct le 29 octobre 2021 pour la série de séminaires (MEC Friday Seminar Michaelmas Term 2021) sur le thème de l’environnement et du Moyen-Orient. L’enregistrement de son intervention « Le fennec vêtu de bleu : l’environnementalisme autoritaire en Tunisie, et ses séquelles » est disponible.
L’enregistrement du webinaire est disponible sur Middle East Centre | University of Oxford Podcasts, sur Soundcloud, ou encore sur Youtube.

Il n’y a guère de ville dans toute la Tunisie sans un panneau défraîchi indiquant « Boulevard de l’environnement » (Shari’ al-bi’a) sur l’une de ses artères les plus importantes. Si elle n’est pas tombée par négligence ou si elle n’a pas été enlevée – par exemple par des manifestants en colère ou comme une sorte d’ornement de pelouse nostalgique et kitsch – on peut trouver une statue de renard du désert (Fennec) dans une combinaison bleue, moins quelques membres, debout au bout de l’avenue. Ce sont les traces de l’environnementalisme autoritaire de la Tunisie de Ben Ali, dont cette intervention cherche à esquisser les formes et les séquelles. Jamie Furniss commence par faire valoir que l’environnement est apparu comme une catégorie d’action politique dans la Tunisie des années 1990, essentiellement comme un moyen de masquer l’État totalitaire en faisant appel à des questions stratégiques brûlantes aux yeux de l’« Occident » (comme les droits des femmes), ainsi que comme une tentative de discipline esthétique et morale. Il évoque ensuite certaines des conséquences de cette généalogie sur la manière dont l’« environnement » est utilisé et compris en Tunisie aujourd’hui. La question de savoir à quoi renvoie exactement l’« environnement » en Tunisie est à la fois une toile de fond contextuelle nécessaire à cet article et une question qui émerge de l’histoire politique et sociale qu’il cherche à examiner. À partir de quelques exemples tels que l’analyse des termes arabes (bi’a vs. muhit), le discours de l’affichage public relatif aux déchets, la création en 2017 de la « police de l’environnement » tunisienne et l’observation participante menée sur des projets « environnementaux » de la société civile, il tente de démontrer que l’environnement est un concept caractérisé par la visualité et la proximité. Cela fait des ordures, et en particulier de leur accumulation visuelle dans l’espace public, une sorte d’archétype du « problème environnemental ». Le télescopage politique rapide des déchets dans les questions de corruption (par exemple, pendant le « scandale des déchets italiens ») ainsi que l’utilisation du nettoyage comme idiome politique (par exemple, pendant le mouvement halit wa’I qui a suivi l’élection de Kais Saïd à la présidence) sont des indices des connotations politiques permanentes des questions de déchets, de propreté et, plus largement, d’environnement, dans la Tunisie contemporaine.

Jamie Furniss est actuellement chercheur à l’IRMC, en congé de son poste de maître de conférences en anthropologie sociale à l’Université d’Edimbourg. Il est titulaire d’un doctorat en développement international de l’Université d’Oxford et a mené des travaux de terrain en Égypte et en Tunisie, principalement sur des sujets liés à l’environnement, aux déchets et au développement urbain.