L’École d’été Citadinités, ressources et matérialités urbaines dans les configurations migratoires africaines, aura lieu du 4 au 9 novembre 2024 à Tunis, à la faculté du 9 avril. Elle est organisée par le LMI MOVIDA (dont les UMR URMIS et PRODIG sont membres), en partenariat avec l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (UAR 3077 du CNRS), l’Université de Tunis (Laboratoire Gouvernance et Développement Territorial). Cette semaine de formation est ouverte aux doctorant·es du continent africain et d’Europe, avec une priorité donnée à celles et ceux qui sont membres des équipes de recherche du consortium du LMI MOVIDA (URMIS, PRODIG, LPED, GERMES (Université A. Moumouni, Niamey), Université Internationale de Rabat, Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal) et de l’équipe organisatrice de l’école d’été. Les participant·es seront sélectionné·es par le conseil scientifique (voir liste ci-dessous). La semaine sera organisée autour de conférences en plénière le matin et d’ateliers thématiques et participatifs chaque après-midi. Elle se clôturera par un temps de restitution collectif.
Les candidat·es sont tenu·es d’envoyer:
Un CV (une page maximum)
Une lettre de candidature (motivation, intérêt pour ce genre d’exercice et éventuel lien du sujet avec la thèse)
A l’adresse [email protected] pour le 7 juillet 2024 au plus tard.
Le courriel doit porter pour objet « Candidature école de formation MOVIDA ».
Argumentaire
La croissance remarquable des villes africaines ces dernières années les positionne en objet privilégié des études migratoires. Au cœur de la fabrique des mobilités, les villes et leurs différentes centralités (économiques, logistiques, religieuses, sociales, culturelles, de loisirs, etc.) constituent un point d’observation des tensions qui traversent aujourd’hui les phénomènes de mobilité, aux échelles locale, nationale et internationale. En dévoilant des situations concrètes de brassage social et culturel, néanmoins soumises à différents dispositifs de contrôle migratoire, les espaces urbains africains, dans leur diversité, ouvrent un champ de réflexion pluridisciplinaire stimulant sur ce que les villes font aux migrations mais aussi sur ce que les migrations font aux villes.
L’objectif de cette école doctorale est d’alimenter et d’enrichir les réflexions en cours sur les rapports entre mobilités et changements urbains à partir de trois entrées théoriques, empiriques et méthodologiques : celle des citadinités et leurs articulations au questionnement de la “justice spatiale” et d’un “droit à la ville” [1], sous l’angle notamment des sociabilités et des tensions qui naissent dans le contact entre communautés locales et populations circulantes ; celle des ressources migratoires en regard des ressources propres à la vie citadine ; celle des matérialités urbaines et infrastructurelles ainsi que de leurs rapports aux circulations migratoires.
Axes
Citadinités, droit à la ville et politiques de l’accueil
En 2020, près de 21 millions de citoyen⸱nes africain⸱es vivaient dans un autre pays du continent. Si ces chiffres n’ont rien d’exceptionnel d’un point de vue global (notamment par rapport à d’autres contextes migratoires continentaux), ils permettent néanmoins de souligner combien l’accueil des personnes étrangères s’impose comme un enjeu également partagé par les sociétés africaines. Au cœur de cet enjeu et du fait d’une migration internationale principalement urbaine, les villes africaines sont aujourd’hui (comme hier), mises au défi de l’accueil des non-nationaux dans l’espace urbain. À rebours d’une lecture ayant essentialisé l’accueil comme participant d’une supposée « tradition » ou de « cultures de la mobilité » propres aux sociétés africaines, cet axe choisit d’explorer la notion d’accueil au prisme d’approches empiriquement ancrées. À l’instar d’autres situations migratoires, les systèmes migratoires africains connaissent depuis la période post-coloniale une relative stabilité : des pays dynamiques sur le plan économique continuent d’attirer des populations issues d’espaces économiquement marginalisés par la structure mondialisée des échanges. À l’échelle régionale, la Côte d’ivoire, le Nigéria, le Gabon ou encore la Libye, par exemple, peuvent encore aujourd’hui être considérés comme des pays d’immigration, même si leurs sociétés connaissent aussi des logiques d’émigration et bien qu’ils soient marqués par de profondes mutations économiques, politiques ou sécuritaires. Ces grands pôles migratoires n’ont eu de cesse de questionner la manière dont les systèmes politiques rendaient visibles ou au contraire invisibilisaient ces présences étrangères. Soixante ans plus tard, toutes ces villes (Abidjan, Lagos, Libreville, Accra, Tripoli, Casablanca…) sont animées par des générations de citadins n’ayant parfois pas ou peu connu leurs pays d’origine. Dans de nombreux cas, ces villes offrent des accès différenciés aux droits politiques et, par rebond, aux droits à la ville et à la citadinité (relégation des migrants aux marges urbaines, irrégularité foncière et résidentielle, accès aux services publics, droit à l’activité économique, rôle dans la fabrique dans “cultures urbaines” et des “cultures populaires” locales…). Les relations des sociétés urbaines des villes d’Afrique du Nord avec les populations migrantes (en transit ou résidentes) connaissent des évolutions sur lesquelles il faudrait s’arrêter pour comprendre et analyser en même temps le rejet et les tensions, parfois extrêmes, et les sociabilités qui naissent et se développent en lien avec l’intensification des circulations (migrations de transit, installations plus durables, etc.) vers ou à travers ces villes.
Ce premier axe souhaite donc questionner ces différentes réalités de la présence étrangère à l’aune de la ville, des politiques de l’accueil ou du non-accueil, et des citadinités. Comment cette présence étrangère, ancrée dans le temps long des migrations et de la construction de communautés diasporiques, s’adaptent-elles d’une part aux contextes locaux mouvants de l’accueil et de l’installation ? Comment s’articulent-elles, d’autre part, aux circulations et aux temporalités migratoires multiples ?
Réseaux migratoires et dispositifs marchands face à la ville néolibérale
Aux échelles urbaine et interurbaine, le temps long des présences immigrées dans les villes africaines a contribué à l’émergence de réseaux migratoires et marchands particulièrement dynamiques. Si les études sur le transnational ont bien documenté ces présences et leurs emprises spatiales multi-situées, un certain nombre d’interrogations restent encore à poser au regard de l’ancrage urbain de ces réseaux et de leurs rapports aux fabriques néolibérales de la ville et des politiques migratoires afférentes. Certains travaux ont également souligné à quel point la néolibéralisation des gouvernances urbaines a contribué au processus plus large de « frontiérisation » des espaces de mobilité intra-africains. En effet, par la multiplication de processus de mise en ordre de la ville, les frontières, dans leur dimension réticulaire, se sont progressivement déclinées aux échelles urbaines et infra-urbaines, parfois loin des espaces-frontières géographiques. Aujourd’hui, les réseaux migratoires et leurs dispositifs marchands doivent s’accommoder de ces nouveaux modes de segmentation et de fragmentation de l’espace, au prix de recompositions en termes de pratiques migratoires et commerciales, et plus largement par la construction de nouveaux itinéraires et de nouveaux lieux d’ancrage. Ce deuxième axe cherche donc à saisir les transformations de ces réseaux migratoires au prisme de la ville néolibérale et des déclinaisons urbaines de la notion de frontière.
Matérialités, circulations (im)matérielles et fabriques urbaines
Le dernier axe de cette école doctorale souhaite interroger l’ordinaire des citadinités urbaines subalternes à travers leurs matérialités, à la fois en termes de pratiques commerciales (où vend-on, à qui, comment ?), de mode d’habiter (comment vit-on la ville néolibérale en tant qu’étranger ?) mais aussi, à une autre échelle, au prisme des circulations mises en jeu par ces matérialités. En effet, de nouveaux questionnements théoriques, issus des études urbaines, cherchent à saisir différemment les rapports entre urbanité et migration, non plus seulement par les récits et expériences que les personnes migrantes en font, mais, de manière plus sensible, à travers les traces, objets, ambiances et pratiques que ces personnes disséminent au long de leurs voyages. Dans le contexte des villes africaines, ces questionnements encore peu développés peuvent permettre d’appréhender les connectivités – c’est-à-dire les liens et les lieux que la migration produit au quotidien – sous un jour nouveau.
Comité d’organisation
Hassan Boubakri (IRMC, Université de Sousse)
Florence Boyer (URMIS, IRD)
Camille Cassarini (IRMC, MEAE)
Nora Mareï (PRODIG, CNRS)
Khaoula Matri (IRMC, Université de Sousse)
Comité scientifique
Emeline Zougbede (ICM, CNRS)
Mehdi Alioua (UIR, Rabat)
Nora Mareï (PRODIG, CNRS)
Stéphanie Lima (LISST, Université d’Albi)
Delphine Perrin (LPED, IRD)
Thomas Fouquet (IMAF, CNRS)
Jérôme Lombard (PRODIG, IRD)
Harouna Mounkaïla (GERMES, Niamey)
Khaoula Matri (IRMC, Université de Sousse)
Hend Ben Othman (IRMC, Université de Carthage)
Hassan Boubakri (IRMC, Université de Sousse)
Katia Boissevain (IRMC, CNRS)
Florence Boyer (URMIS, IRD)
Sophie Bava (LPED, IRD)
Camille Cassarini (IRMC, CNRS)
Yann-Philippe Tastevin (IRL ESS, CNRS)